Les paysan-ne-s sous le béton ?

Être paysan-ne aujourd’hui, c’est être en colère. La rage devient notre seconde peau. On est en rage de voir tant de terres bétonnées, où disparaissent des fleurs parfumées que l’on ne pourra plus humer, d’insectes à chasser de la main mais aussi à admirer, de haies auprès desquelles on a envie de s’y reposer.

Mais il faut céder, plier sous l’échine du progrès, sous cette espèce de religion qu’ils nomment de différents noms et qui ne contient aucune saveur, aucune réalité, aucune vie.

Ces noms on nous les martèle assez pour comprendre que si ils ne le faisaient pas, on s’en rendrait compte. On sauraient qu’ils ne se mangent pas, qu’ils ne vont pas nous rendre plus heureux, seulement qu’ils participent à la mégalomanie de certain-ne-s et à l’appétit financier d’autres.

Ces noms on a en assez de les avaler et de les subir : « dynamisme, croissance, développement… »

Des noms qui justifient tout et surtout le pire. En contrepartie on nous vend du rêve, des parcs naturels, des petits squares bien proprets, une nature encadrée, surveillé qui ne doit pas sortir des cases où l’on a inscrites. Tiens, cela me rappel les nouveaux quartiers des villes : de petites cases où chacun-ne doit rester à sa gentille place…

Seulement, elles sont chères payées ces zones vertes. On l’oublie juste, car ils se rappellent bien de toujours nous assener ces jolis mots qui ne sentent rien, qui ne vont pas rendre nos vies plus enchantées. Ces mots qui font tant de massacre : « dynamisme, croissance, développement »

Amnésie collective bien entretenue.

A ceux/celles qui ne ressentent plus rien ou qui ne préfèrent ne rien ressentir, on leur donne un chiffre. On espère que les maths vont leur parler, qu’ils vont vite faire le calcul et que leur imagination se mettra à chanceler. « Quoi ?! Comment est-ce possible ? On nous vend notre propre mort ?! » Cela calme notre colère d’imaginer que ce chiffre va en réveiller plus d’un.

Ce chiffre il est simple, tout bête, il ne veut pas dire grand chose et pourtant il peut déjà dire beaucoup : en france, au rythme actuel d’urbanisation, l’équivalent d’un département disparaît sous le béton tous les cinq ans, soit l’ équivalent de la Bretagne en 20 ans !

Mais derrière ce chiffre, il y a bien des choses qui se cachent, des êtres qui n’osent parfois pas hurler leur désespoir ou qui ne le peuvent simplement pas.

Combien de paysan-ne-s exproprié-e-s de leur terre ont préféré se taire par culture de l’humilité mais aussi malheureusement du silence. Des paysan-ne-s arraché-e-s d’une terre qui ne les a pas seulement fait vivre, mais avec qui leur vie, leur pensée, leur histoire s’est construite. Une terre où toute la nature qui s’y épanouit est irremplaçable, non interchangeable. Une terre, qui par son écosystème, a apporté toute sa richesse (non-monnayable) au paysan-ne, mais aussi au territoire qui l’environne.

Une terre n’est pas interchangeable, on vit avec et on ne la quitte pas. Elle est une partie de notre chair, de notre culture et de nos tripes !

Nous la faire quitter, c’est déjà nous tuer d’avance.

Être exilé-e, c’est à ne souhaiter à personne.

Être paysan-ne aujourd’hui, c’est briser ce silence, se battre pour que ce massacre s’achève.

Qu’il ne nous concerne pas directement ne doit pas nous excuser. Il a concerné, concerne et concernera nombre d’entre nous !

Un-e paysan-e vit avec son territoire et le fait vivre. Mais nos territoires sont en survie. Sous perfusion, il sont incapables de délivrer de la solidarité, de la convivialité. Veut-on participer à l’amnésie collective, ou bien plutôt éclater ce consensus pré-formaté ?

 

La terre, et la nature qui y vit, est notre richesse, qu’elle soit notre force et non notre souffrance !

 

Un paysan en colère.